Sixième volet de « L’Heptalogie » de Rafael Spregelburd, La Paranoïa est une oeuvre comme on en rencontre peu dans le théâtre contemporain. Une pièce de science-fiction, qui se déroule entre 5000 et 20000 ans après J.-C., offrant à son auteur une liberté totale pour écrire une fable qui nous plonge au coeur de la fabrication du théâtre.
Il faut donc faire preuve d’imagination, ce dont ne manquent pas les metteurs en scène, pour transmettre sur le plateau cette écriture qui est tout sauf linéaire, passant allègrement du suspens policier à la réflexion métaphysique, intégrant les projections cinématographiques dans la représentation théâtrale.
Faisant de la multiplicité des actions le moteur de sa pièce, Rafael Spregelburd propose un cocasse voyage dans le cerveau humain.
« La Paranoïa » raconte l’histoire d’un petit groupe de personnes sommées par de puissants extra-terrestres, les Intelligences, de leur fournir sous 24 heures une fiction de qualité, un bien dont ils sont friands et qui ne pousse que sur la Terre. S’ils échouent, l’humanité sera détruite... Tel est le « pitch de départ » de cette extravagante épopée, pleine d’humour et de non-sens. Avec brio, la troupe d’Élise Vigier et de Marcial Di Fonzo Bo relève le pari d’inventer une fiction dans la fiction, de mêler scènes jouées et scènes filmées, de faire du cinéma en direct avec des acteurs qui se démultiplient pour interpréter tous les rôles, passant d’un jeu de telenovela à celui d’un film de David Lynch, menant à toute vitesse cette histoire folle et foisonnante, véritable machine infernale lancée à l’assaut de nos certitudes.
Mêlant théâtre et cinéma, la Paranoïa s’avère être une formidable machine désopilante qui démonte les mécanismes de la fiction.
La pièce se déroule plus au moins 5.000 ou 20.000 ans après J.-C., à un moment où les humains entretiennent une relation très étrange avec des créatures extra-terrestres beaucoup plus puissantes qu’eux : les intelligences. L’équilibre, qui garantissait leur relation, est sur le point de se rompre entraînant la destruction de l’humanité, car la fiction, qui est l’unique raison pour laquelle les intelligences préservent les humains, est proche de disparaître.
En effet, la fiction ne pousse que sur la Terre ; l’humanité est la seule espèce capable d’imaginer ce qui ne se passe pas. Les intelligences consomment la fiction comme s’il s’agissait d’une épice rare et délicieuse. Seulement, elles ont été trop gourmandes et elles l’ont consommée jusqu’à l’épuiser. Maintenant, il leur en faut plus encore. Hagen, mathématicien, Claus, astronaute, Julia Gay Morrison, écrivain à succès, et Béatrice, une G4 (très ancien modèle de robot, à la mémoire corrompue), sont accueillis dans un hôtel délabré de Piriapolis (Uruguay) par le Colonel Brindisi des Opérations Spéciales Terriennes, pour une mission délicate : inventer en 24 heures une fiction que les intelligences n’aient pas déjà ingurgité.
Il en va de la survie de l’espèce.
L’équipe se met au travail tant bien que mal et non sans moult difficultés. Elle commence à construire une fiction : Brenda, une jeune fille vénézuélienne, a été tenue enfermée en secret dans une clinique où elle a subi d’innombrables opérations de chirurgie esthétique. Le pétrole s’étant épuisé, la seule source de richesse du Venezuela reste la beauté. Certaines corporations illégales, avec la complicité de l’Etat, convainquent des jeunes filles de se laisser opérer pour mouler leurs corps selon un modèle de beauté prévu pour le futur. Mais, parfois, ils parient sur le mauvais cheval. C’est le cas de Brenda. Son traitement est abandonné et elle reste à mi-chemin entre la beauté possible et l’horreur absolue. De plus, elle découvre qu’elle n’est pas la seule future Miss Venezuela. Elle cherche alors à se venger en tuant médecins et policiers, et peut-être aussi en complotant contre le président Chavez.
John Jairo Lazaro - policier devenu boulimique et drogué après un guet-apens où il a failli mourir et à qui on a retiré sa plaque - est l’anti-héros qui tentera de résoudre l’affaire, menant son enquête dans un sous-monde de travestis et de transsexuels. Les liens entre l’équipe de Piriapolis et la fiction au Venezuela sont de plus en plus étroits, jusqu’à ce que les deux mondes se croisent dans un tournant digne de Borgès.
De Rafaël Spregelburd
Mise en scène : Elise Vigier et Marcial Di Fonzo Bo
Dramaturgie : Guillermo Pisani
Traduction française : Marcial Di Fonzo Bo, Guillermo Pisani
Avec :
Rodolfo De Souza,
Marcial Di Fonzo Bo,
Frédérique Loliée
Pierre Maillet,
Clément Sibony,
Julien Villa,
Elise Vigier
Décors et lumières : Yves Bernard
Images : Bruno Geslin
Avec la collaboration de Romain Tanguy
Animations 2d et graphisme : Loïs de Cornulier (Sÿclo)
Costumes : Pierre Canitrot
Son : Manu Léonard
Perruques et maquillages : Cécile Kretschmar
assisté de Sarah Dureuil
Les pièces de Rafael Spregelburd sont représentées par L’Arche Editeur
Co-production
Théâtre National de Chaillot - Paris / Centre Dramatique Régional de Tours - Nouvel Olympia / Théâtre National de Bretagne - Rennes / Théâtre de Nîmes / Le Maillon - Théâtre de Strasbourg Scène européenne / Théâtre de la Place de Liège
Avec la participation artistique du Jeune Théâtre National