En 1994, nous avons fondé le collectif LES LUCIOLES avec neuf autres élèves de la première promotion de l’école d’art dramatique du Théâtre National de Bretagne (Rennes) : Paola Comis, Marcial Di Fonzo Bo, Laurent Javaloyes, David Jeanne-Comello, Mélanie Leray, Frédérique Loliée, Philippe Marteau, Valérie Schwarcz, Pascal Tokatlian.
La question de créer un collectif à notre sortie de l’école ne s’est pas posée : elle était évidente.
On s’est appelé LES LUCIOLES en référence au texte de Pasolini dans les « Écrits Corsaires », où il dit que les lucioles sont en voie de disparition à cause des multinationales et de l’arrivée du néolibéralisme. Dès la naissance du groupe, nous voulions donc préserver une liberté, une poésie, un mode de fonctionnement solidaire, une utopie.
L’histoire des Lucioles s’est écrite à partir de ce que nous ne voulions pas. A savoir un metteur en scène extérieur qui mettrait en scène le « groupe » type Comédie Française. Ou une troupe avec un chef. À notre époque il n’y avait que ça : Stanislas Nordey, Didier-Georges Gabily, François Tanguy, Ariane Mnouchkine… Des bandes, certes magnifiques et inspirantes, mais au service d’une seule vision artistique.
Paradoxalement nous ne croyions pas non plus à la mise en scène collective. Nous ne voulions surtout pas « fermer » le groupe : si nous travaillions ensemble de manière exclusive on se serait séparés au bout d’un ou deux ans. Et si cela a duré 30 ans c’est parce que de manière empirique, spectacle après spectacle, nous avons défendu et affirmé que la confiance du groupe dans la construction individuelle a donné à chacun une liberté qu’il n’aurait pas eu tout seul.
De manière générale nos influences n’étaient pas directement liées au théâtre en soi. Nous avons beaucoup fait d’adaptations : romans, films, nouvelles, montages divers. La musique et l’image tenaient aussi très souvent une place importante… Certains auteurs étaient assez récurrents (Fassbinder pour Pierre Maillet, Copi ou Rafael Spregelburd pour Marcial Di Fonzo Bo et Elise Vigier, Leslie Kaplan pour Elise Vigier et Frédérique Loliée, Lars Noren pour Mélanie Leray et Pierre Maillet,…).
La question de la fidélité à l’intérieur des Lucioles était proche de celle d’une famille. Le fait d’avoir fonctionné ensemble de cette façon pendant 30 ans en dit suffisamment long sur l’attention portée à chacun.
Mais au fil du temps, certains artistes ont choisi de poursuivre une voie plus personnelle. Pascal Tokatlian, Paola Comis puis Mélanie Leray ont créé leur propre compagnie. Marcial Di Fonzo Bo a pris la direction de la Comédie de Caen en 2015, puis celle du Quai à Angers en 2024. Frédérique Loliée, Valérie Schwarz, Philippe Marteau, David Jeanne Comello ont choisi de se consacrer exclusivement au jeu.
Si LES LUCIOLES n’est plus un collectif aujourd’hui, l’histoire de la compagnie continue de s’écrire avec de nouveaux projets ….
Riches de nos expériences et de nos histoires partagées, nous poursuivons notre chemin ensemble et proposons un théâtre qui questionne, qui témoigne de la beauté et de la complexité de la nature humaine.
Elise Vigier & Pierre Maillet