Création tout public à partir de 10 ans
Depuis toujours, on l’observe du coin de l’œil. On murmure sur son passage. On le dit bizarre ou anormal. On dit qu’il parle avec les oiseaux. À la maison, le père et la mère se disputent. Les mots échappent et bruissent. L’enfant qu’on appelle Oiseau fait semblant de dormir. Il s’absente. Parfois il voudrait disparaître. Et puis soudain, un jour d’hiver, il n’est plus là. La police enquête. Les parents le cherchent. Les chiens tentent de renifler sa trace. Et tous se rendent compte qu’ils ne savent pas. Qu’ils ne le connaissent pas. Qu’on ne prend pas le temps de bien regarder les oiseaux.
La pièce, parue chez Lansman Éditeur, a reçu le Grand Prix de littérature dramatique jeunesse en novembre 2024.
Écriture
Note d’écriture I Marie-Christine Lê-Huu
« Oiseau [guide de survie] » est un texte en fragments à travers lequel se déploient les questions de la différence et de ses incidences. La détresse parentale y est centrale, de même que l’absurdité de comportements sociaux qui constituent cette norme qu’on pousse chacun et chacune à intégrer.
Le texte propose d’expérimenter et d’observer comment la violence surgit face à la différence, quelles ondes de choc elle provoque, comment la différence d’Oiseau crée un séisme, une fissure. Et comment, en écho, chacun, chacune est traversé par la secousse.
Car la différence d’Oiseau fait perdre aux autres leurs repères, collectivement et individuellement. Cette existence qui échappe au joug de la norme trouble leur confort et leur compréhension ordonnée du monde.
Quand je cherche le déclencheur plus intime de l’écriture d’Oiseau, une image me revient en mémoire. J’ai 13 ans, je suis passionnée de danse classique et nous sommes en vacances à Amsterdam en famille. Toute la journée, mon père me voit regarder les affiches du Ballet Bolshoï qui y est de passage. Le soir venu il m’annonce, enjoué : « Viens, je t’emmène quelque part ! »
Ce souvenir de ma joie d’adolescente devant la gentillesse de mon père est invariablement mêlé à un autre : celui d’un choc. Ce soir-là, devant la perfection inégalée de l’alignement des danseuses du corps de ballet, des jeunes femmes vraisemblablement triées en fonction de leur taille et dont les pieds tendus vers le ciel formaient une droite parfaite, je me rappelle avoir pensé : « Ces femmes-là sont entraînées à disparaître. »
C’était ma première rencontre frontale avec l’idée d’une norme qui appelle à s’effacer. Et qui, au-delà de ça, nous demande de fournir soi-même les efforts pour procéder à sa propre disparition. C’est au final ce que propose notre cadre social et sa force normalisatrice : désirer « faire comme », s’absenter, gommer ses aspérités pour échapper à une violence qui ne manque pas d’abîmer, à plus ou moins long terme, ceux et celles qui restent en marge.
Mise en scène
Note de mise en scène I Elise Vigier
Le travail avec toute l’équipe de création, acteur.trice, dessinatrice, et musicien.nes, s’élaborerait autour de cette forme chorale et de la multiplication des perspectives qui conduirait donc les interprètes à incarner tour à tour divers personnages, la mère pouvant jouer son enfant, le père pouvant se mettre dans la peau de la mère. Tous et toutes pouvant au même moment incarner ensemble Oiseau, son attente, sa difficulté à contenir l’entièreté de ce qu’il est dans un seul corps. Des distorsions qui donneront des versions différentes de certaines situations : se parlent-ils vraiment ou sont-ils là en silence, incapables de nommer ce qu’ils ressentent ? Nous chercherons à squatter toutes les permissions que donne cette structure fragmentée ; d’en occuper ensemble les espaces symboliques ; de mettre la présence et les présences au coeur du travail. Ce sont donc les acteurs et actrices qui seront la charpente de la mise en scène. Eux et elles qui construiront et déconstruiront l’espace, créeront les vides et les pleins par leurs déplacements. On pense aux volées d’oiseaux, mais aussi aux échappées qui isolent, à la symétrie et à l’asymétrie, aux contradictions ou oppositions entre les mots et les corps.
Au-delà de ce travail de nature plus chorégraphique, nous envisageons travailler avec deux matières qui nous semblent ouvrir le champ poétique : le dessin et la matière papier. Et le dessin projeté sur l’écran.
La matière « papier » s’est imposée très tôt à l’imaginaire de travail : sa fragilité, ses déchirures, sa propension à être pliée, repliée, froissée, émiettée, morcelée. Elle s’accompagne de verbes en phase avec les sensations et sentiments des personnages. Tremblements de cœurs et de feuilles pourraient aller de pair. Révéler ce que ne disent pas les mots.
L’idée du dessin, les différents codes de la bande-dessinée et de l’image, compris par tous et toutes, seront une forme de langage commun. Certaines qualités de traits rendant visibles certaines émotions ; les phylactères vides concrétisant les silences ; les cadres permettant d’inclure et d’exclure, de laisser dans les marges, de reconfigurer... De nombreux éléments semblent pouvoir donner ludisme, clarté et sensibilité au langage scénique. Des explorations seront faites à cet égard en amont des premiers laboratoires avec les interprètes.
Distribution
Texte Marie-Christine Lê-Huu
Mise en scène Élise Vigier
Avec
Louise Hakim (danseuse)
Marc Bertin (acteur)
Jacinthe Cappello (actrice et peintre-dessinatrice)
Esther Armangol (actrice, violoncelliste et compositrice)
Aymen Bouchou (acteur)
Collaboration artistique Marie-Christine Lê-Huu
Composition musicale et sonore & régie son Manu Léonard
Espace, régie plateau et régie générale Camille Faure
Costumes Laure Mahéo
Lumières Bruno Marsol
Dessins Jacinthe Cappello
Le texte de la pièce est édité chez Lansman Éditeur
et a reçu le Grand Prix d’écriture dramatique jeunesse 2024
Production
Production Parmi Les Lucioles
Coproduction Le Quai - CDN d’Angers
en cours de montage