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La cuisine d’Elvis

© Sonia Barcet

Une comédie sur le sexe, la bouffe, le bonheur et, comme la cerise sur le gâteau, sur Elvis Presley. Ça sent fort le mauvais goût mais ce mauvais goût, garanti tout au long de la pièce, a quelque chose de libérateur.

 Une famille anglaise : un homme, handicapé à la suite d’un accident de voiture et une fille de quatorze ans qui raffole de cuisine doivent faire face à Maman, une femme dans la force de l’âge qui veut profiter pleinement de la vie, quel qu’en soit le prix. Tous les trois se retrouvent imbriqués dans la liaison que Maman a nouée avec Stuart, un superviseur de gâteaux au très beau corps…

Une comédie noire, grinçante, anglaise, donc sociale… C’est là tout le génie et la qualité de cette pièce écrite par l’auteur de "Billy Elliot" : confronter en permanence Ken Loach et Mike Leigh avec les Monty Python ou « Absolutely Fabulous ».
C’est contre toutes les idées reçues, et contre toute volonté d’enfermer les choses et les gens, que s’érige fièrement « La Cuisine d’Elvis ».

Note d’intention

Par Pierre Maillet

« La Cuisine d’Elvis » est un huis-clos. Une pièce de chambre. Elle a la fougue, l’humour -scatologique souvent- la brutale insolence donc, propres à l’adolescence. Elle en a aussi les inquiétudes. De ce qui s’ouvre à soi et qu’on ne connaît pas (l’avenir), les changements physiques (grosse ou mince), le rapport à la famille (besoin ou détestation), et bien sûr la sexualité (avant et après) . Elle a aussi la particularité d’un regard adolescent face à une tragédie. Comment on se construit quand on a déjà autant vécu ?

« La Cuisine d’Elvis » c’est pour moi la maturité court-circuitée en permanence par l’innocence et la bêtise, explosant de manière toujours surprenante la bienséance et les tabous. Un terrain de jeu pour apprendre et désapprendre, s’attacher et se quitter, s’embrasser et s’insulter.
Si j’insiste sur ce regard adolescent, c’est d’abord parce que la pièce de Lee Hall est narrativement « racontée » par Jill, la fille de 14 ans au travers de laquelle on verra tout, on entendra tout. Une des deux importantes « distanciations brechtiennes » de cette pièce (avec la figure d’Elvis, j’y viens…) puisqu’on ne saura pas dans le spectacle si Jill nous raconte sans concession son adolescence avec ses yeux d’adulte, ou si c’est l’adolescente qui écrit frénétiquement et rageusement ses expériences sur un journal intime Sarah Kay…
De toute façon un exutoire. De toute façon un fantasme. De toute façon une comédie. Noire, grinçante, mais une comédie. Et une comédie anglaise, donc sociale. C’est là tout le génie et selon moi, l’exceptionnelle qualité de cette pièce, au départ radiophonique puis retravaillée pour la scène, que de confronter en permanence Ken Loach et Mike Leigh avec Benny Hill (si si,), les Monty Python ou « Absolutely Fabulous ».

« La Cuisine d’Elvis » c’est aussi et surtout des personnages échappant aux clichés. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce qu’on dit d’eux n’est absolument pas la réalité. Ainsi l’adolescente qui ne parle que de bouffe et qu’on traite de « grosse » s’avère ne pas l’être ; la « cougar alcoolique et anorexique » est surtout prof d’anglais, n’a que 38 ans et cherche plus à refaire sa vie que la sortie des écoles ; quant à l’ « amant boulanger », il n’est pas le gigolo attendu de ce genre de situation puisqu’il en a une, de situation ; un toit ; qu’il ne se fait pas payer, et qu’il s’avèrera plus sensible qu’on ne le pensait dans les moments les plus inattendus, notamment les plus scabreux …
Quant au père paralytique, certainement la figure la plus dérangeante de la pièce, Lee Hall en fait un ancien imitateur transformiste d’Elvis Presley dont les interventions monologiques et musicales scandent le spectacle, faisant voler en éclats la forme réaliste et psychologique dans laquelle il pourrait s’enfermer, pour d’un coup nous transporter dans un « cabaret » fantasmatique dont on ne sait si c’est un sordide club de seconde zone, des réminiscences de Las Vegas, ou la réincarnation du King comme dans le « Mystery train » de Jim Jarmusch.

Il y a un autre film anglais auquel me fait penser « La Cuisine d’Elvis », c’est le film d’Andrea Arnold « Fish tank », (Prix du Jury au Festival de Cannes en 2009). Il reproduit à peu près le même trio amoureux : un homme entre une mère et sa fille (le mari paralytique en moins) mais surtout, et c’est pour moi l’un des aspects les plus importants du spectacle, le peu de différence d’âge entre la mère et la fille, produisant une relation particulière entre elles, surtout lorsque la mère compte refaire sa vie amoureuse.
Il ne s’agit pas tant de rivalité ou de jalousie, (d’ailleurs totalement inexistant dans l’écriture), qu’un manque de maternité se rapprochant de l’amitié. Car bien sûr, à côté de l’aspect indispensablement grotesque et potache de certains moments, la pièce dans le fond, est profondément humaine, et sous bien des aspects assez bouleversante. En allant même jusqu’à écrire un stupide « happy end » que Lee Hall titre justement « Epilogue insupportablement facile » auquel personne ne croira, c’est encore une fois contre toutes les idées reçues, et contre toute volonté d’enfermer les choses et les gens, que s’érige fièrement « La Cuisine d’Elvis ».

Extrait
« Peut-être que la vie n’est pas de la tragédie. Peut-être que c’est ça qui est normal, la peine et le chagrin, la solitude et le désespoir. Peut-être que la vie, c’est ces tous petits moments qui nous aident à continuer dans l’obscurité. Ces toutes petites choses. Comme un délicieux dîner, ou un petit moment de tendresse, ou un sourire… même pendant une toute petite seconde. Peut-être que c’est pas renoncer qu’il faut, peut-être qu’il faut essayer. La vie, c’est un truc bizarre, non ? »

Presse

Patrick Sourd - Les Inrockuptibles 15 novembre 2016

"Sa femme est alcoolique, sa fille boulimique. Etre le sosie d’Elvis Presley était son métier, maintenant il n’est plus qu’un vieux tas sur une chaise roulante. Rien ne va plus dans cette maison jusqu’à l’arrivée de Stuart, un expert en pâtisserie dont tous tombent amoureux. La farce gore vire à l’épiphanie drolatique et sexy sous la houlette de Pierre Maillet, maître dans l’art de mettre en scène les comédies déjantées."

Auteur
Lee Hall
Traduction
Louis-Charles Sirjacq, Frédérique Revuz
Mise en scène
Pierre Maillet

Avec
Cécile Bournay,
Matthieu Cruciani,
Pierre Maillet,
Anne-Elodie Sorlin.

Collaboration artistique Emilie Capliez
Scénographie Marc Lainé
Lumières Bruno Marsol assisté de Lucie Cardinal
Son Pierre Routin
Collaboration musicale Howard Hugues, Ben Lupus, Billy Jet Pilot
Costumes Zouzou Leyens
Réalisation des costumes Ouria Dahmani-Khouhli
Régie générale Patrick Le Joncourt
Coiffures, maquillages, postiches Cécile Kretschmar
Habilleuse, maquilleuse Emmanuelle Thomas
Construction décor : Ateliers de La Comédie de Saint-Étienne

Production
Les Lucioles - Rennes Producteur délégué
Comédie de St-Etienne - CDN
Comédie de Caen - CDN de Normandie

Avec le soutien de
l’ADAMI & la SPEDIDAM

Remerciements
Anne Leray et les équipes techniques de la Comédie de Saint-Etienne et de la Comédie de Caen pour leur accompagnement et leur précieuse collaboration

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L’Arche est éditeur et agent théâtral du texte représenté


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