Robe noire, royale, elle s’assied. Regard intense, yeux grands ouverts.
Folle magistrale, clown funeste, Marilú Marini examine l’assemblée. Accent argentin, elle lâche « encore une journée ». Et les mots de Copi, compatriote de Buenos Aires débarqué à Paris au début des années soixante, fusent, pétaradants, explosifs dans le champagne.
Elle refuse la tyrannie des tâches et d’un emploi du temps domestiques. Elle vit, rayonne, irradie. Associations d’idées, provocations, fantasmes, délires et fantômes, elle déballe tout. À ses côtés, Lawrence Leherissey, pianiste et partenaire, joue quand il peut, molesté par la dame.
Note d’intention
Par Pierre Maillet (nov 2015)
Quand la grande Marilú Marini m’a proposé de l’accompagner dans une aventure autour de Copi, qu’elle a connu et qu’elle a beaucoup joué, souvent sous la direction d’Alfredo Arias (notamment l’inoubliable Femme assise, personnage récurrent dessiné par Copi pour la première fois incarnée sur une scène de théâtre), nous avons tout de suite rêvé d’une forme libre comme l’était notre “cher maître”. Copi moi, je ne l’ai pas connu, mais je l’ai beaucoup joué avec Marcial Di Fonzo Bo et Elise Vigier. Copi, c’est pour Marilú, autant que pour moi, un auteur emblématique important, un ami qu’on a toujours hâte de retrouver et de découvrir, encore.
J’ai imaginé ce spectacle bien sûr comme un hommage vibrant à l’auteur, acteur, dessinateur et figure emblématique du mouvement homosexuel des années 70, mais je voulais qu’il soit aussi et surtout un hommage à Marilú Marini par le biais de son compatriote et ami. Et j’ai tout de suite pensé à La journée d’une rêveuse. Terrain neutre pour elle comme pour moi, inconnu du grand public. Un beau poème théâtral, énigmatique et méconnu, créé par Jorge Lavelli en 68 avec Emmanuelle Riva dans le rôle-titre… Nous avons fait un monologue du personnage central de cette pièce, qu’elle incarne comme un double féminin de Copi acteur (dans Le frigo ou Loretta Strong : monologues mythiques et délirants qu’il jouait avec une élégance et un détachement rares et inoubliables pour tous ceux qui l’ont vu et entendu). Elle invente ous nos yeux une sorte de Blanche-Neige, plus proche de Brigitte Fontaine que de Walt Disney.
Et en miroir avec tout ce matériau poétique et fictionnel, nous traversons le Rio de la Plata, un texte écrit en 1984. Conçu comme la préface d’un roman qu’il n’a pas eu le temps d’écrire, dans lequel Copi parle comme jamais de lui, de ses origines, de l’Uruguay, de l’Argentine où il était interdit, de l’exil, et de son rapport à l’écriture…
Enfin il y a de la musique et des chansons. Un pianiste est sur scène avec Marilú : Lawrence Lehérissey, arrière petit-fils du grand Georges Méliès, accompagnateur des films de son illustre grand-père et avec qui j’avais déjà travaillé sur Igor etc de Laurent Javaloyes.
Seule sur scène avec lui, et quelques “voix” en guise de partenaires et de facteurs potentiels, elle est tout simplement Copi…“Je m’exprime parfois dans ma langue maternelle, l’argentine, souvent dans ma langue maîtresse, la française. Pour écrire ce livre, mon imagination hésite entre ma mère et ma maîtresse. Quelle que soit la langue choisie, mon imagination me vient de cette partie de la mémoire qui est molle
et particulièrement sensible aux flèches caches dans les phrases anonymes. Voyageur et voyeur, mon expression prend la forme de scènes fugaces telles l’amour sous un réverbère ou la mort fatale ; nourri de sensibilité du Rio de la Plata j’en garde l’exigüité des décors ; les voyages m’ont appris que peu de vêtements bien assortis font l’assurance et le crédit de l’exilé…” (extrait de Rio de la Plata de Copi.)
Presse
WEBTHEATRE - par Gilles Gostaz - mai 217
"Marilù Marini et Pierre Maillet ajoutent à l’histoire du théâtre français fécondé par l’esprit argentin un nouveau chapitre et retrouvent la pleine intensité de ce qui nous avait enchantés et nous manquait fort, l’esprit du presque rien, ce léger gauchissement de la vie qu’on pratique à Buenos Aires et dont la légèreté a la violence d’un explosif."
MÉDIAPART - par Jean-Pierre Thibaudat - décembre 2015
"C’est un voyage hors norme, complètement « barré ». Un voyage qui nous emmène très loin dans l’univers dingo de Copi et pousse à mort la folie clownesque et divaesque (osons) d’une actrice et son art follement maîtrisé jusqu’au petit doigt (les spectateurs comprendront), Marilú Marini trouvant là ce qui est peut-être, à ce jour, son plus beau rôle. Espérons qu’elle puisse le jouer des années durant. « Qu’est-ce qu’il m’arrive ? Aujourd’hui je ne sais pas ce qu’il m’arrive », dit-elle. Et, nous non plus, on ne sait pas ce qui nous arrive, où elle nous entraîne. On est embarqué."
CARNET D’ART - Décembre 2015
"Avec La Journée d’une rêveuse et cette vieille fille–veuve perdue dans une maison hors du temps où l’on arrive en volant, on est bien dans une forme d’absurde, mais Pierre Maillet et Marilú Marini refusent de céder à la facilité, et travaillent méticuleusement chaque centimètre du texte et, enfin, les incursions vers les formes populaires prennent sens et ne sont plus un repos de l’exigence. Deviennent une partie de jubilation du texte, de jubilation du corps, de jubilation du sens et du non-sens.
Enfin, le texte résonne et s’amplifie, vibre dans l’appareil phonatoire de Marilú, dans ses yeux, et dans les nôtres."